Le gouvernement du Canada ne semble pas prendre la mesure des enjeux sanitaires posés par les pesticides. Alors que de plus en plus de personnes souffrent de maladies graves en lien avec les pesticides, les preuves scientifiques les plus récentes quant aux dommages des pesticides sur la santé ne semblent ni prises en compte ni adéquatement gérées et cela au détriment des producteurs et productrices, travailleurs et travailleuses agricoles.
Si l’annonce de l’interdiction de l’utilisation des pesticides sur les terrains fédéraux va dans la bonne direction, elle ne change rien au régime d'homologation des pesticides et à l'utilisation toujours accrue de pesticides toxiques pour la santé humaine et pour la biodiversité.
Concernant la proposition de l'augmentation des limites de résidus de pesticides autorisées dans les aliments (LMR), rien n'indique à l’heure actuelle que le processus d'évaluation des risques cumulatifs sur la santé sera évalué différemment que dans la proposition qui avait fait scandale en 2021. Malheureusement, il n'y a ni analyse sérieuse sur les effets cumulatifs à long terme des pesticides sur la santé humaine ni application claire du principe de précaution.
Malgré la situation en Europe où des compagnies de pesticides ont été prises la main dans le sac omettant volontairement de partager des données en leur possession sur la toxicité de certains produits et les révélations des Monsanto Papers en 2017, le Canada ne prend toujours pas de mesure obligeant la divulgation de toutes les études réalisées par les fabricants. Ce «laxisme» laisse l’industrie libre de présenter des études financées par ses soins proposant les angles lui étant plus favorables et de cacher les études démontrant la dangerosité potentielle ou avérée de certains pesticides.
En juin 2022, des groupes en santé et en environnement, comme Victimes des pesticides du Québec, avaient participé aux consultations de Santé Canada sur Renforcer davantage la protection de la santé humaine et de l’environnement : examen ciblé de la Loi sur les produits antiparasitaires. Notre organisation avait répondu aux différents objectifs énoncés en rédigeant un mémoire appuyé sur les données probantes les plus récentes issues des domaines de la toxicologie et de l’épidémiologie quant à l’association entre le développement de maladies chroniques sévères et l’exposition aux pesticides. Dans les changements proposés par Santé Canada, des points majeurs ont été ignorés tels que :
- l’évaluation des pesticides basée sur la formulation complète
- l’évaluation basée sur les pratiques et besoins agricoles réels
- l’évaluation des pesticides qui tient compte des effets cumulatifs et synergiques
- l’évaluation de l’efficacité des équipements de protection individuelle
- la publication et la révision par les pairs des études fournies pour les premières homologations
- l’application du principe de précaution pour les limites maximales de résidus
- la ré-évaluation des pesticides basée sur des données indépendantes et à jour
- la mise en place d’un processus d’expertise indépendants
- l’assurance de consultations indépendantes des intérêts commerciaux
- la prise en compte des données scientifiques en matière de santé
- le financement d’études épidémiologiques indépendantes
- la surveillance des effets des pesticides sur la santé et l’environnement
- l'interdiction des produits importés contenant des résidus de pesticides non approuvés ou dépassant les niveaux autorisés
Force est de constater que malgré les scandales et les recommandations des groupes comme Victimes des pesticides du Québec, le gouvernement et l'ARLA ne prennent pas l'ampleur des changements réglementaires à apporter et les mesures agricoles suffisantes pour amorcer une transition vers une agriculture durable respectueuse de la biodiversité et de la santé humaine.